III.FUTUR:LA "COLONISATION" DE L'ESPACE
Le principal changement réside dans l'intérêt commercial et industriel que prend la conquête de l'espace. Les scientifiques travaillent pour demain à une "colonisation" de l'espace cherchant à créer les conditions pour exploiter les ressources des planètes, faire vivre des hommes de manière durable dans l'espace.
A) Le temps des entrepreneurs
Après les Etats vient le temps des entrepreneurs qui ont des projets d'exploitation de l'espace orientés vers le profit.
La conquête spatiale laisse espérer de forts profits économiques grâce à des projets industriels comme:
les stations privées de télécommunication,
la découverte de nouvelles matières premières
le tourisme de l'espace,
l'exploitation de minéraux sur la lune
Voici quelques exemple d'entrepreneurs.
1) Airbus Defence and Space
Nous avons interrogé l'ancien directeur des programmes spatiaux d'Airbus Défense Espace, Stéphane Latieule.

Question: Pouvons nous tous aller dans l'espace ?
"Nous connaissons l'espace depuis plus de 50 ans et seulement 500 personnes sont allées dans l'espace. Aujourd'hui seuls les gens très très riches peuvent se payer un vol spatial. Les vols coûtent chers. Le lancement d'une fusée Ariane (non réutilisable) coûte 155 M. US$ et l'expérience de Thomas Pesquet a coûté 70 M. US$."
L'objectif des entrepreneurs comme Musk est de démocratiser l'accès à l'espace en créant des fusées réutilisables. Elon Musk veut réduire le coût du kilogramme transporté dans l'espace de 10.000 US$ à 100 US$.
Question: Peut-on gagner de l'argent avec les vols spatiaux ?
"Les projets comme les stations privées, la fabrication de matériaux uniques, le tourisme, les minéraux présents sur la Lune permettraient de gagner de l'argent."
Question: Qu'est ce qui a changé depuis Apollo XI ?
"Deux choses ; la puissance des calculs d'une part et les progrès de la sécurité d'autre part qui permettent d'envisager ces nouvelles exploitations commerciales des vols spatiaux."
Question: Comment avez vous testé vos vols spatiaux ?
"Nous avons effectué un premier test en mer au large de Singapour. Nous avons construit une navette télécommandée à ¼ de sa taille réelle qui a été hissée à 1000 mètres d'altitude par deux hélicoptères puis lâché afin de simuler les derniers moments du retour sur terre."
"Le deuxième test programmé - mais non réalisé - était de hisser cette navette avec un ballon à 30 km d'altitude et la laisser retomber en planant."
"Le modèle sur lequel nous travaillions consistait en une navette turbo propulsée qui serait rentrée dans l'atmosphère en planant entre 100 et 20 km d'altitude avant d'activer ses moteurs."
Question: Quelles entreprises vous semblent les plus innovantes ?
"Regardez le projet Planet, le projet zero2infinity et aussi les projets de Musk, Bezos, Branson."

Entretien avec Juan Manuel Lopez Urdiales fondateur de Zero2infinity
Le projet de Zero2infinity est de lancer un ballon habité (Bluestand) dans l'espace à des fins touristiques. Ce ballon monte avec des petits lanceurs et des parachutes téléguidés pour le retour sur terre.
L'objectif principal est de rendre plus facile l'accès à l'espace. Selon Juan Manuel Lopez Urdales, fondateur de l'entreprise, il n'y a pour le moment que deux manières d'aller dans l'espace: soit dans le cadre de missions financés par des Etats, soit en étant milliardaire.Zero2Infinity cherche une troisième voie pour un public plus large: "l'homme ordinaire".
Le ballon est selon lui un véhicule beaucoup moins risqué que la fusée puisqu'il évite les risques du décollage (80% des risques) et de la rentrée dans l'atmosphère (19% des risques) et ne représente donc que 1% des risques habituels liés aux pertes de pression.Aujourd'hui, cette petite société a réussi à envoyer un ballon à 40 km de la Terre et il espère en 2050 à faire que son projet soit opérationnel à 100%.

Un ballon de zero2infinity
3) Space X
SpaceX (ou Space Exploration Technologies Corporation) est une entreprise américaine travaillant dans le domaine de l'astronautique et du vol spatial. Fondée en 2002 par l'entrepreneur milliardaire Elon Musk, créateur de PayPal.
Le PDG de SpaceX Elon Musk déclare que l'un de ses objectifs est de réduire les coûts et d'améliorer la fiabilité de l'accès à l'espace. Elon Musk disait alors : « Je pense que 500 $ par livre (1 100 $ / kg) ou moins est très réalisable ».
SpaceX conçoit de nouvelles technologies de développement et d'ingénierie pour lui permettre de poursuivre ses différents objectifs. En 2015, des sources publiques ont révélé que SpaceX développait ses propres logiciels de simulation de dynamique des fluides afin d'améliorer leur capacité de simulation, d'évaluation et de conception des moteurs de fusée.
SpaceX vient de réaliser avec succès le 6 Février 2018 le vol d'essai de son "Falcon Heavy" constitué de 3 fusées Falcon réutilisables et capables de mettre en orbite sur Mars l'équivalent d'un Boeing 747 rempli de passagers.

le Falcon Heavy
Cette compagnie à des nombreux projets dont de promouvoir des vols touristiques autour de la Lune dès la fin 2018 (peu probable pourtant) et à plus long terme vers Mars
4) Blue origin et Virgin Galactic
Blue Origin est une société créée en 2000 par Jeff Bezos, fondateur d'Amazon, spécialisée dans les vols spatiaux, et qui prévoyait d'envoyer ses premiers passagers dans l'espace en 2018.
Richard Branson, le fondateur de Virgin a créé VSS Unity , le nouveau vaisseau de Virgin Galactic, censé lui aussi emmener des touristes dans l'espace dans les années à venir.

Crédit : Virgin Galactic
5) Planet
Planet est une startup qui utilise les données en provenance de l'espace pour prédire l'évolution des récoltes, de l'économie... de manière très précise et aider ainsi aux prises de décision des entreprises, des villes, des gouvernements.
Un de leur projet est de filmer la Terre 24h/24h et produire et analyser 1,5 millions de photos par jour... L'entreprise est composée d'analystes, de scientifiques spécialisés dans l'espace, de développeurs informatiques, de spécialistes de l'environnement et des chercheurs.
Mais aussi nous avons d'autres entreprises comme one web, Rocketlabs, digital globe et téledyne
B) Les nouveaux enjeux
Nous distinguerons deux nouveaux enjeux: le tourisme spatial et la colonisation de l'espace.
1) Le tourisme spatial
Jusqu'à aujourd'hui la seule façon pour l'homme d'accéder à l'espace était de devenir un astronaute ou un cosmonaute. En d'autres termes, pour voyager dans l'espace, il fallait devenir professionnel dans ce domaine particulier.
Quand on a commencé à parlé de vols "touristiques", les prix annoncés étaient si élevés que seuls des milliardaires s'y sont intéressés.Or l'enjeu de demain est de pouvoir mettre le voyage dans l'espace à la portée de l'homme ordinaire. C'est le véritable enjeu du tourisme spatial.Le tourisme spatial permettra de faire vivre l'expérience de l'apesanteur, la micro-gravité et donnera la possibilité de voir la Terre en partie ou dans son entier depuis l'espace.
Voir la Terre dans son entier depuis l'espace
Nous nous sommes amusés à calculer la distance à partir de laquelle nous pourrions voir la Terre dans son entier.
L'oeil humain a une ouverture angulaire de 120 degrés ; on va supposer que l'homme regarde droit devant lui et recule à la verticale de l'équateur et s'arrête quand il voit toute la Terre dans son champs de vision .
Traçons le segment AB qui représente le diamètre de la Terre, O est le milieu de AB. Un homme se déplace à la verticale dans l'espace donc perpendiculairement à AB depuis l'équateur, donc aligné sur O
Soit M le point ou est l'homme
Nous avons donc deux triangles, AOM et BOM. On n'en regarde qu'un.
Le triangle AOM est rectangle en O et par hypothèse,
AO mesure 6371km , c'est à dire le rayon de la terre
OM est notre inconnue x
et l'angle formé en M dans le triangle fait 60 degrés (la moitié de l'ouverture angulaire de l'oeil)
L'application numérique donne 985,78 km.
Donc pour voir la Terre dans son intégralité, il faudrait être à 958,78km de la Terre!
Quels sont alors les types de vols possibles pour atteindre l'espace?
les différents types de vols
Distinguons les vols orbitaux, les vols suborbitaux et les vols paraboliques avec des ballons stratosphériques:
les vols orbitaux
Un vol orbital est un vol spatial où l'engin est placé en orbite autour d'un astre, ce qui signifie qu'il décrit une trajectoire circulaire autour de celui-ci sous l'effet de la gravitation.
Les seules entreprises qui offrent des vols orbitaux à ce jour sont les Russes en collaboration avec l'Agence spatiale fédérale de la Fédération de Russie et Rocket and Space Corporation. Le coût de ce voyage est de 20 millions de dollars.
Mais d'autres initiatives voient le jour dont SpaceX dont nous avons déjà parlé et qui développe sa propre famille de fusées, appelée Falcon, et une capsule nommée Dragon,capable d'envoyer jusqu'à sept personnes dans une station spatiale pour un coût 10 fois inférieur aux fusées des agences gouvernementales.
2) les vols suborbitaux
Il s'agit d'un vol spatial permettant l'apesanteur grâce à une vitesse inférieure à celle requise pour se maintenir en orbite.
Quand il s'agit de vols suborbitaux, aucun tourisme spatial n'est encore possible. Cependant les choses deviennent technologiquement et donc économiquement
plus abordables. En conséquence, un certain nombre de sociétés en démarrage ont vu le jour ces dernières années.
Les entreprises proposent des véhicules qui font des vols suborbitaux culminant à une altitude de 100-160 km. Les passagers monteraient durant trois à six minutes en apesanteur avec une vue d'un champ d'étoiles sans scintillement, et une vue de la Terre incurvée au dessous.
Les coûts prévus devraient être d'environ 100.000 à 250.000 dollars par passager.
3) vols paraboliques et ballons
Le vol parabolique est un moyen de créer une situation de micropesanteur pendant une vingtaine de secondes. C'est un moyen relativement moins coûteux que les autres permettant l'utilisation de matériel de laboratoire. Il s'agit en fait d'un avion à voilure fixe et la durée du vol serait d'environ dix à quinze secondes en microgravité.
L'Agence spatiale européenne (ESA) a déjà un programme permettant aux équipages de mener ainsi des expériences liées à la microgravité
Dans le cas des ballons, il n'y a pas de sensation de microgravité, Cependant, le touriste a une vue de la Terre depuis l'espace et apprécie l'expérience pendant environ trois heures.
Un exemple d'entreprise dans ce sens est Zero2Infinity, dont nous avons parlé auparavant.
2) Les nouveaux horizons
Les êtres humains sont poussés à explorer l'inconnu, découvrir de nouveaux mondes et repousser les limites scientifiques et techniques. L'avenir passe par une colonisation de l'espace et ce "rêve" ne semble pas si éloigné.
Distinguons les projets immédiats liés à la colonisation de la Lune et ceux plus lointains vers Mars.
La colonisation de la lune
Selon Ray Bradbury, l'auteur des "Chroniques martiennes", « On n'aurait jamais dû abandonner la lune, . Il faut remettre de l'argent, développer des fusées et aller y construire une base. Puis, dans 40 ans, Mars. Et dans 300 ans, explorer en dehors du système solaire.»
Les scientifiques y travaillent déjà. L'ISS doit servir de base de lancement, une sorte de banc d'essai de la technologie et un tremplin pour aller plus loin dans l'exploration du système solaire.
Mais le directeur général de l'Agence spatiale européenne, l'ESA, a déjà dit vouloir construire une base permanente sur la Lune. Ce "Moon Village" viendrait à terme remplacer la Station spatiale internationale.
Les ingénieurs travaillent sur les méthodes de construction et pensent à utiliser les métaux, les minéraux et l'eau sous forme de glace qui se trouvent sur place. Le principal risque tient à l'exposition au rayonnement solaire et cosmique, aux micrométéorites et aux températures extrêmes. L'ESA travaille sur des dômes gonflables de protection qui utiliserait la roche lunaire pour bâtir en impression 3D une structure habitable.

crédit: ESA Le moon village
Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon et de Blue Origin, imagine des millions de personnes vivant sur la lune, une fois que la terre sera devenue invivable et imagine qu'Amazon puisse le fournisseur logistique de cette nouvelle colonie avec une armée de robots.
La colonisation de Mars
La présence humaine sur la Lune rendra plus facile l'accès à la planète Mars puisqu'il n'y aura plus besoin de sortir de l'attraction terrestre.
Pour des personnalités comme Elon Musk, la colonisation de Mars est un horizon inévitable pour l'homme. SpaceX a ainsi dévoilé, en septembre 2017, un nouveau projet, le BFR, pour Big Falcon Rocket,. Il s'agit d'une navette capable de se rendre sur Mars avec des passagers. Premier vol prévu vers 2020 pour cet engin trois fois plus puissant que la Falcon Heavy et la première expédition humaine prendrait place vers 2025. Nous aurons 24 ans seulement!
La NASA élabore, avec des industriels comme Boeing, le Space Launch System (SLS) pour conquérir la Planète rouge à l'horizon 2030.
Du côté européen, il convient de mentionner la mission simulée de Mars 500 avec
Marsnautes. Mars500 est un programme expérimental russe simulant sur Terre les conditions rencontrées par un équipage lors d'une mission aller et retour vers la planète Mars.
Si les humains finissaient par se rendre sur la planète rouge, le voyage serait long, (9 mois aujourd'hui) et difficile. Le rêve d'aller sur Mars prend de nombreuses formes. L'initiative MarsOne a ainsi comme objectif le financement d'une mission humaine sur Mars avec la production d'une émission de téléréalité; les gens se porteraient volontaires pour aller sur Mars, y établir une colonie et ne jamais revenir...
Comme le dit Bradbury, "coloniser Mars est notre destin."
3) Des nouvelles sources énergétiques
L'échelle de Kardashev décrit différents types de civilisations dont l'avancement et classifié en fonction de l'énergie qu'ils sont capables d'obtenir. Il en décrit trois types:
Type I : capables de profiter de toute l'énergie de leur planète.
Type II : capables de profiter de toute l'énergie de leur étoile.
Type III : capables de profiter de toute l'énergie de leur galaxie.
Étant donné qu'actuellement, l'humanité se trouve à 0,7 dans l'échelle de Kardashev, il nous manque beaucoup à accomplir afin de nous développer complètement. Mais, comment obtenir de telles quantités d'énergie?
Afin de devenir une civilisation de type I, il serait nécessaire d'effectuer de la fusion nucléaire qui permet de produire des quantités phénoménales d'énergie. Cependant, les matériaux présents sur terre ne permettent pas une réaction suffisamment puissante ce qui fait qu'elle soit particulièrement peu rentable. Néanmoins, l'hélium-3, un isotope de l'hélium qui se trouve en grande quantité sur la lune et dont l'extraction serait extrêmement profitable. Selon les données enregistrées en 2009 par la sonde orbitale chinoise Chang'e 1, les réserves en hélium-3 de la Lune s'élèveraient à 100 000 t. Lorsqu'on sait que 200 tonnes permettraient de satisfaire les besoins énergétiques des États-Unis et de l'Union européenne pendant une année, que cette énergie permettrait aux Terriens de combler leurs besoins en énergie pour des siècles, l'incentive est assez important.

Atteindre le type 2 est cependant un objectif bien plus lointain et flou, dont l'enjeu considérable donnerait des capacités incroyables à l'humanité. Absorber la totalité de l'énergie solaire est complexe du fait que la quantité d'énergie reçue sur terre et insignifiante. Cependant, Freeman Dyson idéa en 1960 une mégastructure qui permettrait d'absorber la totalité de l'énergie émise par le soleil: la sphère de Dyson. Cette sphère qui entourerait le soleil est cependant peu pratique du fait que sa massivité et son manque de stabilité la feraient susceptible aux colision et facilement détruites. Ainsi, en 1966, Dyson décrit un essaim de satellites indépendants qui, à l'aide de miroirs, focaliseront et récolteront les rayons solaires.

Essaim de Dyson
Afin d'atteindre le type III, l'on aurait besoin de construire systématiquement des essaims de Dyson autour de chacune des étoiles de la voie Lactée. Pour ce, il faudrait une automatisation et une expansion rapide. C'est ce concept qui est exploré par Von Newmann et ses sondes autoréplicantes. Ces automates pratiquent théoriquement une croissance exponentielle du fait de leur capacité à se répliquer a partir de matériaux extraits de planètes. S'ils sont programmés afin de créer des essaims de Dyson, on pourrait en quelques millions d'années avoir de la présence dans l'ensemble de notre galaxie.

Von Newmann